L’Espace géographique 2/96

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Version sans les résumés


La ségrégation

Philip G. EIDELBERG. Apartheid et ségrégation urbaine en Afrique du Sud

Si de nombreux pays, à un moment ou l’autre de leur histoire, se sont vu imposer une politique officielle de ségrégation raciale, la version particulière de l’apartheid sud-africain se distinguait par son système de homelands ou bantoustans, politiquement autonomes, ou même États indépendants, chacun avec sa propre et apparente identité ethnique. Ceux-ci ont été créés après 1948, à partir des réserves ou terres «ségrégées» situées dans les zones rurales, et assignées aux Africains. En retour, les Africains, y compris ceux qui étaient domiciliés en Afrique du Sud hors des homelands, devaient automatiquement appartenir à l’un ou l’autre de ces bantoustans, selon leurs propres origines ethniques ou «tribales». Nous montrerons ici que c’est l’étroite symbiose entre les homelands d’une part et, d’autre part, les townships (communes urbaines) africains, en Afrique du Sud proprement dite, ségrégés pendant les trois décennies après 1948, qui allait être un élément central de l’apartheid.

mots clés: APARTHEID, BANTOUSTANS, CONGRÈS NATIONAL AFRICAIN, SÉGRÉGATION URBAINE


Christine CHIVALLON. Éloge de la «spatialité»: conceptions des relations à l’espace et identité créole chez Patrick Chamoiseau

Cet article aborde la place que tient la quête d’un espace identitaire dans le roman Texaco de l’écrivain martiniquais Patrick Chamoiseau pour montrer comment les expressions diverses de la créolité se nourrissent de rapports particuliers aux lieux. Il est possible de dégager trois figures identitaires majeures, chacune liée à une expérience singulière de l’espace. L’espace des mornes intérieurs au sortir de l’esclavage laisse entrevoir les possibles de la communauté solidaire et enracinée. Mais l’expérience n’est que fugace. C’est avec l’espace désordonné de «l’En-Ville» que doit composer la volonté de se dire collectivement. émerge alors une créolité en mosaïque dont l’auteur célèbre le caractère dispersé. Pourtant, c’est une troisième figure qui finit par l’emporter, celle où se trouvent réconciliés les thèmes de la cohérence et du chaos. Si le roman se fait véritable leçon de géographie, il fait aussi beaucoup plus en nous confrontant à la question très contemporaine (ou postmoderne) des identités fluides, celles-ci se révélant en définitive difficiles à célébrer sans prendre le risque de perdre ce qui fait l’unité d’un peuple.

mots clés: CRÉOLITÉ, ESPACE, IDENTITÉ, LITTÉRATURE, POSTMODERNITÉ


Géo-humeur: Jérôme MONNET. Los Angeles, la ville dont le prince est un criminel: drame géographique en noir et blanc


Emploi et population

Michel GRIGNON, Jeanne FAGNANI. Transferts de revenus et activité féminine en Europe (2 tabl., 1 fig.)

Les comportements des femmes mariées à l’égard de l’activité salariée sont, en partie, déterminés par les considérations financières et, en particulier, par le gain net procuré par cette activité. Celui-ci dépend, dans chaque pays, du niveau des transferts de revenus (système fiscal et prestations). À partir du calcul des taux d’élasticité du revenu disponible au salaire féminin, pour différentes configurations familiales, on a pu, sur la base d’une simulation, donner une estimation des taux d’activité des femmes mariées qui résulteraient des seules considérations financières. En les comparant avec les taux observés, on mesure, par différence, ce qui, dans les comportements d’activité, ne relève pas de la seule rationalité financière. On met alors en relation les écarts constatés avec les contextes nationaux dans lesquels s’insère l’activité féminine: systèmes de valeurs régissant les comportements des femmes, prestations en nature et aspects institutionnels encadrant l’emploi.

mots clés: ACTIVITÉ, ALLEMAGNE, BELGIQUE, ESPAGNE, EUROPE, FEMMES, FRANCE, PAYS-BAS, ROYAUME-UNI, TRANSFERTS


Anne BRETAGNOLLE. Étude des indices de concentration d’une population (2 tabl., 3 fig., 2 annexes)

Cet article étudie et compare les indices les plus souvent cités pour décrire l’état ou le processus de concentration d’une population (indices d’entropie exceptés). L’étude s’appuie sur un fichier de 1795 communes de la basse vallée du Rhône. À partir des définitions mathématiques des indices, nous montrons que certains sont égaux, d’autres très proches, avec des différences qui sont en général négligeables. Les calculs numériques des indices confirment ces résultats. De plus, nous montrons que l’une des propriétés des indices restreint, pour une large part, leur utilisation à l’étude du processus de concentration d’une population. Enfin, les résultats obtenus suggèrent une grande prudence dans l’interprétation des valeurs calculées sur des échantillons de données.

mots clés: CONCENTRATION, DISPERSION D’UNE POPULATION, DISTRIBUTION SPATIALE, INDICES, MÉTHODOLOGIE, VALLÉE DU RHÔNE


Villages tropicaux

Samuel ROBERT, Pascale SALÜN. Uppugala ou la difficulté d’être pionnier. Étude d’un hameau enclavé en forêt dans les Ghâts occidentaux (Inde) (5 fig.)

Dans les forêts des Ghâts occidentaux de l’Inde, comme dans d’autres massifs forestiers de la péninsule, de nombreux villages et hameaux sont dans l’impossibilité de s’étendre du fait des mesures de protection mises en place par les Forest Departments. Enclavées, ces localités constituent des postes avancés du peuplement et apparaissent dès lors comme des fronts «statiques». Animés par leur volonté de se maintenir sur place, les habitants d’un de ces hameaux (Uppugala) ont développé des stratégies d’adaptation qui ne sont pas sans conséquences sur l’espace, contribuant à dynamiser l’interface village-forêt et à différer peut-être une éventuelle reprise de l’avancée du peuplement.

mots clés: DYNAMIQUE SPATIALE, FRONT DE PEUPLEMENT, FORÊT, INDE, VILLAGE


Denis GAUTIER. Poupées russes et montagnes bamiléké. De la concession à la chefferie: emboîtement des structures et dynamiques spatiales en pays Bamiléké (13 fig.)

Dans un espace relativement homogène, en l’absence d’un centre organisateur contraignant, l’hypothèse peut être émise que les mêmes structures et dynamiques spatiales jouent aux niveaux local et régional. Cette hypothèse est testée dans le cas du pays Bamiléké. Au niveau local, le groupe familial met en valeur une portion d’espace, en bande verticale dans le sens de la pente, lui permettant d’avoir accès à l’ensemble des ressources du versant. Ces tranches de versants se juxtaposent en structures collinaires. Ces collines s’agrègent elles-mêmes en un plateau incliné. C’est au niveau régional que la société, organisée en groupement (ou chefferie) met en valeur le plus grand nombre possible de secteurs écologiques, de la bordure du plateau au sommet des monts Bamboutos. Quatre modèles suffisent pour expliquer l’organisation des deux niveaux d’intégration: structure en bande, centre-périphérie, effet d’axe et front de propagation. Leur combinaison conduit à la même configuration pour les modèles de l’unité de production individuelle et de la chefferie; elle induit des dynamiques spatiales similaires.

mots clés: CAMEROUN, DYNAMIQUE SPATIALE, MODÉLISATION GRAPHIQUE, STRUCTURE AGRAIRE


Lectures


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dernière mise à jour: 5 septembre 1996