Doctorat:

ALTÉRITÉ ET TERRITOIRE. REGARDS SUR UNE BANLIEUE DE MONTPELLIER: LA PAILLADE

sous la direction de Philippe CADÈNE

Résumé

Le territoire se construit dans l’interaction de l’individu, de la société et de l’espace et c’est dans ce mouvement que la culture est produite. Le territoire peut être défini comme un espace de culture et ne peut être reconnu que dans sa spécificité, il ne peut donc exister que lorsque sa culture est singulière. L’altérité contribue alors à construire le territoire. L’altérité est ce qui est autre, différent, dissemblable. Parler d’altérité c’est parler de culture. Celle-ci existe et perdure au sein d’une population spécifique et se projette dans un espace donné. La culture, en animant les pratiques de la population et en influençant sa manière de s’approprier son environnement et de se le représenter, donne sa spécificité à l’espace. Aussi, celle-ci est-elle marquée par les pratiques et l’organisation de la population, il y a relation, donc il y a territoire. Cependant, il peut se présenter le cas où il n’y a ni spécificité du groupe au départ, ni celle de l’espace. La population peut ne pas être un groupe homogène mais un ensemble d’individus qui ont plus de dissemblances que de ressemblances et l’espace peut être neutre sans aucune particularité. Ce cas de figure, celui où n’existe, au départ, ni groupe ni espace spécifique, est l’espace des ZUP, ce qu’on appelle communément la banlieue, devenue les quartiers difficiles et chauds de la ville. Que peut-il se produire alors lorsque des personnes venues d’horizons et de conditions différentes sont installées dans un No man’s land? L’installation peut-elle aboutir à une fusion, à un enrichissement, à une confrontation, à une explosion, ou encore à un appauvrissement et un déclin? Les individus disparaissent-ils au profit d’un groupe ou se maintiennent-ils aux dépens d’un équilibre social? Que deviennent les cultures dont ils sont porteurs, s’unissent-elles pour n’en faire qu’une ou se désintègrent-elles dans un vide identitaire? Qu’advient-il de l’espace? se nourrit-il d’une culture émergente ou se vide-t-il de sa substance?

La banlieue est sortie de l’ombre le jour où un groupe de jeunes habitants a manifesté son existence en saccageant, en brûlant et en semant la terreur dans le quartier. Elles est sortie de l’ombre le jour où l’on s’est mis à en parler. Il a fallu un nom à ce lieu et à cette population, les médias sont retournés dans le passé le chercher. Il a fallu des images, elles se sont construites à partir du type de logements (grands ensembles), de sa qualité (médiocre et laide) et de sa dynamique socio-économique (cités dortoirs, sans âme et sans). Il a fallu des thèmes, les politiques, les chercheurs, les artistes et les médias lui en ont fournis, comme la violence, le chômage, la clandestinité, l’exclusion et la drogue. Il a fallu des figures, le discours en a produit comme le zonard, le dealer, le chômeur, l’immigré, l’étranger et le délinquant. Il a fallu aussi une résonance entre l’espace et l’homme, un affect et une appropriation, les habitants les ont produits eux-mêmes en investissant l’espace et en s’y investissant.

Mon travail a consisté à démontrer l’hypothèse que la banlieue est un territoire et ce à partir de l’exemple de la Paillade, banlieue de Montpellier. Pour cela, j’ai défini le territoire en général et par analogie j’ai construit celui de la banlieue qui se structure entre un espace, la ZUP, une société, les acteurs sociaux et des individus, les habitants. Leur interaction permet de mettre en évidence l’altérité culturelle que j’approche d’une part en faisant l’état des lieux, à travers les sphères de vie de la population de la Paillade et d’autre part en analysant le discours des uns et des autres et les représentations des habitants. Souvent anonymes, ces derniers ont été présentés avec un visage, un nom, une expérience et une vie, Kader le chef de gang, Djamila la Rmiste, Nicole la commerçante, Ric le dealer et les autres. Douze personnes ont été choisies à cause de leur parcours, de leur place dans la banlieue et de leur importance dans la construction de l’image de la banlieue. Considérés comme des «habitants-type», je les ai assimilés aux «idéal-types» dans mon approche. Leur discours, leurs pratiques socio-spatiales et leurs représentations, m’ont permis de faire une esquisse du territoire de la Paillade.

Plan de la thèse et introduction.

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