Résumé
Le territoire se construit dans linteraction de lindividu, de la société et de lespace et cest dans ce mouvement que la culture est produite. Le territoire peut être défini comme un espace de culture et ne peut être reconnu que dans sa spécificité, il ne peut donc exister que lorsque sa culture est singulière. Laltérité contribue alors à construire le territoire. Laltérité est ce qui est autre, différent, dissemblable. Parler daltérité cest parler de culture. Celle-ci existe et perdure au sein dune population spécifique et se projette dans un espace donné. La culture, en animant les pratiques de la population et en influençant sa manière de sapproprier son environnement et de se le représenter, donne sa spécificité à lespace. Aussi, celle-ci est-elle marquée par les pratiques et lorganisation de la population, il y a relation, donc il y a territoire. Cependant, il peut se présenter le cas où il ny a ni spécificité du groupe au départ, ni celle de lespace. La population peut ne pas être un groupe homogène mais un ensemble dindividus qui ont plus de dissemblances que de ressemblances et lespace peut être neutre sans aucune particularité. Ce cas de figure, celui où nexiste, au départ, ni groupe ni espace spécifique, est lespace des ZUP, ce quon appelle communément la banlieue, devenue les quartiers difficiles et chauds de la ville. Que peut-il se produire alors lorsque des personnes venues dhorizons et de conditions différentes sont installées dans un No mans land? Linstallation peut-elle aboutir à une fusion, à un enrichissement, à une confrontation, à une explosion, ou encore à un appauvrissement et un déclin? Les individus disparaissent-ils au profit dun groupe ou se maintiennent-ils aux dépens dun équilibre social? Que deviennent les cultures dont ils sont porteurs, sunissent-elles pour nen faire quune ou se désintègrent-elles dans un vide identitaire? Quadvient-il de lespace? se nourrit-il dune culture émergente ou se vide-t-il de sa substance?
La banlieue est sortie de lombre le jour où un groupe de jeunes habitants a manifesté son existence en saccageant, en brûlant et en semant la terreur dans le quartier. Elles est sortie de lombre le jour où lon sest mis à en parler. Il a fallu un nom à ce lieu et à cette population, les médias sont retournés dans le passé le chercher. Il a fallu des images, elles se sont construites à partir du type de logements (grands ensembles), de sa qualité (médiocre et laide) et de sa dynamique socio-économique (cités dortoirs, sans âme et sans). Il a fallu des thèmes, les politiques, les chercheurs, les artistes et les médias lui en ont fournis, comme la violence, le chômage, la clandestinité, lexclusion et la drogue. Il a fallu des figures, le discours en a produit comme le zonard, le dealer, le chômeur, limmigré, létranger et le délinquant. Il a fallu aussi une résonance entre lespace et lhomme, un affect et une appropriation, les habitants les ont produits eux-mêmes en investissant lespace et en sy investissant.
Mon travail a consisté à démontrer lhypothèse que la banlieue est un territoire et ce à partir de lexemple de la Paillade, banlieue de Montpellier. Pour cela, jai défini le territoire en général et par analogie jai construit celui de la banlieue qui se structure entre un espace, la ZUP, une société, les acteurs sociaux et des individus, les habitants. Leur interaction permet de mettre en évidence laltérité culturelle que japproche dune part en faisant létat des lieux, à travers les sphères de vie de la population de la Paillade et dautre part en analysant le discours des uns et des autres et les représentations des habitants. Souvent anonymes, ces derniers ont été présentés avec un visage, un nom, une expérience et une vie, Kader le chef de gang, Djamila la Rmiste, Nicole la commerçante, Ric le dealer et les autres. Douze personnes ont été choisies à cause de leur parcours, de leur place dans la banlieue et de leur importance dans la construction de limage de la banlieue. Considérés comme des «habitants-type», je les ai assimilés aux «idéal-types» dans mon approche. Leur discours, leurs pratiques socio-spatiales et leurs représentations, mont permis de faire une esquisse du territoire de la Paillade.