LE TOURISME EN POLYNÉSIE FRANÇAISE

Annales de géographie, 1994, n° 577, p. 276-292.

Résumé

Dans un domaine océanique qui s'est ouvert récemment au tourisme, grâce au développement du transport aérien, la Nouvelle-Calédonie ne bénéficie pas d'une image claire et positive. Son nom, aux relents coloniaux, n'a pas le charme de «Tahiti» et n'est pas un support de désirs universellement connu. Les événements politiques récents n'ont rien arrangé. Néanmoins dans un monde de plus en plus nissonophile le déferlement touristique sur certaines îles du Pacifique éclabousse la Nouvelle-Calédonie. En 1993 la Nouvelle-Calédonie n'a enregistré que le centième des entrées de touristes dans l'ensemble des îles du Pacifique avec 82 900 touristes auxquels il faut rajouter 35 000 croisiéristes et 1 500 plaisanciers, soit près de 120 000 visiteurs.

La disposition des États ou Territoires dans le Pacifique est très importante en ce qui concerne leur fréquentation. En effet, 92 % des touristes les visitant sont originaires de cinq pays bordant cette immense étendue marine de près de 180 millions de km2: les États-Unis, le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Japon. Néanmoins, bien qu'à proximité, les marchés australiens et néo-zélandais ne sont que très peu exploités. Seulement 0,74 % des Australiens ayant visité d'autres pays en 1993 ont choisi de se rendre en Nouvelle-Calédonie et 0,97 % des Néo-Zélandais, alors que le Territoire est la destination la plus proche de ces deux pays. Les plus nombreux à être venus en Nouvelle-Calédonie en 1993 sont les Japonais. Ce marché récent, peu affecté par les troubles des années 85-88, stagne actuellement avec 27 000 touristes en 1993. Pourtant, c'est le seul pays dans lequel la Nouvelle-Calédonie jouit d'une image très positive. Les Australiens et les Néo-Zélandais étaient moins de 25 000 en 1993 contre 36 000 en 1984. Le flux touristique venant de Métropole, de l'ordre de 16 600 personnes en 1993, est original. D'abord en raison de la très grande distance (18 000 km) existant entre la marché et le produit, ensuite parce que de nombreux touristes rendent visite à des amis ou à de la famille et donc fréquentent peu les hôtels. Ces deux éléments combinés expliquent une durée moyenne de séjour de trente-huit jours contre dix jours pour les autres touristes.

Au-delà des contraintes inhérentes à sa position, la faiblesse qualitative et quantitative des produits proposés sur le Territoire apparaît comme un lourd handicap. Le Territoire souffre d'un déséquilibre entre Nouméa d'une part, la «brousse» - c'est-à-dire le reste de la Grande Terre - et les îles d'autre part. En 1994, Nouméa regroupe plus des deux tiers de l'ensemble de la capacité d'accueil territoriale et près des trois quarts si l'on ne tient compte que des hôtels et relais. Le tourisme néo-calédonien pâtit d'une offre peu diversifiée est très en deçà des ressources touristiques du Territoire. L'île des Pins, à trente minutes de vol de Nouméa, a une capacité d'accueil fort modeste. La plupart des touristes étrangers, essentiellement japonais, n'y passent qu'une journée. La «Brousse«, territoire oublié par le tourisme, bénéficie cependant actuellement de la volonté de la Province Nord d'y développer cette activité, expliquant l'implantation du Club Méditerranée à Hienghène sur la côte est à 370 km de Nouméa. La taille relativement modeste de ces établissements a été choisie afin de les intégrer à la vie locale et de faire des tribus mélanésiennes de véritables partenaires. Dans l'archipel des îles Loyauté les contraintes insulaires et les pesanteurs sociales se cumulent. De nombreux projets hôteliers ainsi que des escales de bateaux de croisières se heurtent à l'hostilité de la population et des chefs coutumiers. Des trois principales îles Loyauté c'est Ouvéa qui a le plus gros potentiel touristique mais c'est aussi celle où le tourisme a le plus de problèmes. Depuis les troubles et la prise d'otages par un «commando» du F.L.N.K.S. qui aboutit à la mort de 21 personnes en mai 1988, la situation n'est pas favorable au redémarrage du tourisme. La société de l'île, encore sous le choc, se replie sur elle-même refusant de la sorte le tourisme.