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Rendez-vous en Cybérie(1)

ou l'aventure d'un front pionnier de la géographie francophone

Proximité des États-Unis et affirmation culturelle obligent, les sites québécois ont été parmi les premiers à se constituer dans le monde francophone. Que révèlent-ils aujourd'hui de la géographie universitaire? Les nombreux sites en cours de construction peuvent-ils s'en inspirer? Non pas que les sites québécois doivent être imités en tous points, mais leurs quelques «encablures» d'avance indiquent-elles des pistes à suivre?

Quelques sites attirent par la richesse des contenus. L'attention(2) que l'on y porte est révélatrice. Les fonctions d'information, de communication et de documentation décrites dans la rubrique Internet de Mappemonde y sont généralement développées. Chacune d'elles est abondamment fournie, mais les sites repérés disposent aussi de caractéristiques que l'on pourrait envisager de reprendre ailleurs.

Dans les présentations classiques de personnels, d'organisation des études et des activités de recherche, la fonction d'information se singularise assez peu, si ce n'est peut-être par l'affichage détaillé des résumés de cours et des projets de recherche, avec leurs responsables et leurs collaborateurs, les bibliographies de chercheurs, parfois même les financements.

Par contre, la fonction de communication y est plus personnalisée, en procédant notamment par ciblage de groupes d'intérêt. On pourra ainsi retrouver des forums de discussion thématiques ouverts à la communauté scientifique, des supports de cours (parfois in extenso), des conseils pratiques d'excursion ou encore des «guichets automatiques» de travaux pratiques à destination des étudiants. En dehors de ces services de type Intranet, l'interactivité reste peu développée, même si la voie a été ouverte avec l'Atlas National sur le Rescol (réseau scolaire canadien), du ministère fédéral des Ressources naturelles, qui permet de composer toutes sortes de cartes thématiques à distance.

Les rubriques du type qui fait quoi? peuvent susciter des contacts entre chercheurs et étudiants, mais aussi avec le monde des entreprises, des administrations et des collectivités, à travers la présentation des activités des groupes de recherche, des associations d'étudiants ou des pages personnelles qui sont, bien sûr, accompagnés d'une adresse courriel(3).

Les liens hypertextes, sobrement choisis, renvoient généralement à plusieurs niveaux : à d'autres pages du même site, à la même université, à d'autres sites intéressant la géographie. Ils privilégient l'accès direct à des documents, notamment ceux des cartothèques qui ont très souvent des pages sur les serveurs universitaires.

La fonction documentation est sans doute la plus riche. Les revues éditées localement sont mentionnées avec leurs sommaires et souvent accompagnées de quelques articles en version intégrale (université Laval, université de Montréal, GRIDEQ de Rimouski). Les liens vers les cartothèques permettent de visualiser des documents d'intérêt régional, national ou mondial selon des thématiques choisies. Le Centre de Recherches en Aménagement et Développement de l'université Laval a aussi créé un exemple de rubrique utile aux chercheurs toujours en quête de données, en fournissant une description détaillée des bases dont il dispose.

Surtout, les atlas électroniques se multiplient. Émanation d'une équipe multidisciplinaire et interuniversitaire, la réalisation en cours de l'Atlas du Québec (site de l'UQAM) pourrait annoncer un modèle du genre : belle qualité cartographique, multiscalaire et convivial. Quelques animations font l'intérêt de cette version seulement électronique (par exemple la carte des densification et déplacement du centre de gravité démographique sur 125 ans). On regrettera bien sûr le peu de rubriques ou de régions encore disponibles, mais peut-être aussi un manque de commentaires brefs. Un autre atlas, Connaître et faire connaître l'île de Java (site de l'université Laval), offre une présentation plus succincte en cartes, mais compense par d'abondants commentaires et une belle iconographie dans des rubriques géographiques élargies notamment à la culture et à l'histoire. D'autres atlas ont des dimensions plus modestes, comme le Mini-atlas de la Gaspésie et de l'Est du Québec réalisé par des étudiants de maîtrise de l'UQAM, ou ne sont que partiellement présentés, comme l'Hyper-atlas socio-économique du Québec, conçu pour cédérom.

Les qualités pionnières de ce front «cybérien» ne se démentent pas. Cependant, force est de constater qu'il s'accompagne d'une nette hiérarchisation entre sites, ceux d'intérêt majeur qui affirment leur présence et leur personnalité et les autres, généralement situés dans des régions périphériques, dont la fonction se réduit trop souvent à celle d'une information plus terne et succincte. Version électronique de la vieille notion de centre-périphérie? Ces écarts reflètent en tous cas le dynamisme et les ressources humaines des départements et l'on peut, craindre, avec quelque malice, que l'annonce du «fleuve de différences» qui illustre le site de l'université de Rimouski ne résume trop la situation à l'avenir. Bien sûr, les sites sont des chantiers permanents, mais cela préfigure-t-il aussi ce qui se passera pour nombre de sites en construction? Internet aurait peut-être alors quelques raisons de laisser perplexes ceux qui s'interrogent sur son potentiel à dépasser les barrières habituelles de la communication.

Loïc Grasland

L'Atlas du Québec: un site prometteur… et qui suscite des attentes. Carte de l'évolution de la population du Québec 1991-1996. UQAM, Montréal.


Quand les compétences sur un espace lointain et exotique convergent: Java en ligne. Université Laval, Québec.


Le CRAD de Québec: un centre de recherche ouvert sur sa région. Carte des transports routiers de l'agglomération de Québec. Université Laval, Québec.


«Un fleuve de différences»… Avec Internet, l'affirmation des identités suffira-t-elle à gommer les situations périphériques? UQAR, Rimouski.


dernière mise à jour: 3 juin 1998