Science et ouverture en géographie

Saisir le moment

Un outil coopératif

Fin d'une expérience, non d'un courant, ni d'un besoin

Chronologie

Le GIP RECLUS a été créé en 1984 et a fonctionné comme centre scientifique jusqu'en 1997. Il était l'expression d'une ambition de recherche en géographie, et un témoignage des transformations de fond des études géographiques en France. En ce sens, il se situait dans un courant qui le dépasse, qu'il a contribué à animer et qui se poursuit. C'est pourquoi l'Association RECLUS estime devoir encourager et prolonger le même état d'esprit.


Science et ouverture en géographie

Des changements sensibles dans les pratiques des géographes français ont commencé à être perçus à la fin des années 1960, à la faveur du progrès du raisonnement scientifique, de la réflexion épistémologique, de la diffusion des approches systémiques et structurales, de l'emploi de méthodes statistiques, ainsi que de l'ouverture d'esprit (sur les approches nouvelles, les thèmes inédits, les géographies étrangères) favorisée par les libérations de 1968.

Une date symbolique a été 1972, qui a vu la création à Reims (et Paris) de la revue L'Espace géographique, et à Avignon du groupe Dupont, association libre de jeunes chercheurs.

Il s'agissait de sortir du carcan d'une géographie traditionnelle (parfois dite «vidalienne»), survalorisant la nature, le catalogue et le discours, et se méfiant de la théorie, pour favoriser la curiosité d'esprit, la rigueur de la mesure et du raisonnement, l'analyse spatiale, le travail sur les acteurs et les processus de production de l'espace géographique, l'implication dans les questions d'environnement et d'aménagement (ces mots figuraient en sous-titre de la revue L'Espace géographique). Ces principes demeurent. Ils ne correspondent à aucune doctrine, à aucune «école» et s'appliquent à des approches et à des préférences multiples. Mais ils doivent en permanence être réaffirmés, en raison des risques de facilité, de routine, et de domination de discours incontrôlables.

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Saisir le moment

Ces nouvelles approches bénéficiaient des progrès techniques: télédétection, moyens de calcul, bientôt microordinateurs. L'apparition, en 1981-1982, d'une nouvelle politique (momentanée) de la recherche, consécutive au changement de majorité présidentielle et gouvernementale, et d'une nouvelle politique administrative (durable) donnant plus de place aux collectivités locales, a fait émerger l'idée de créer un réseau de recherche ambitieux, doté d'objectifs précis. Le moment était favorable à un saut quantitatif et qualitatif. Une large consultation a permis d'en définir les contours. Il en est sorti le GIP RECLUS.

Celui-ci était conçu comme un réseau d'équipes existantes, acceptant de collaborer à des programmes définis, et disposant de moyens convenables, garantis pour plusieurs années. Pour obtenir les financements, 25 organismes de recherche, ministères et institutions publiques ont été sollicités et ont accepté de s'associer. L'objectif était de travailler sur les dynamiques des territoires, et de créer deux grandes collections: une Géographie universelle, un Atlas de France. Le titre retenu a été Réseau d'Etude des Changements dans les Localisations et les Unités Spatiales: «R.E.C.L.U.S.» rendait ouvertement hommage à Elisée Reclus, un géographe novateur en son temps, mais réprouvé par l'institution politique et universitaire de l'époque.

La forme choisie était celle d'un Groupement d'intérêt public, une innovation du ministère de la Recherche de 1982 - RECLUS a été l'un des premiers créés. Cette forme juridique assurait, sous l'autorité de l'assemblée générale des institutions membres, et d'un conseil d'administration, une personnalité morale et la possibilité de signer des contrats, éditer, vendre, etc. Par là, il échappait à la tutelle directe des organismes de recherche et des universités, ce qui lui ouvrait de larges possibilités d'action - et ce qui ne lui fut pas pardonné ultérieurement.

La création du GIP RECLUS s'accompagnait de l'ouverture d'une Maison de la Géographie, pour servir de lieu d'animation, et de rassemblement de moyens techniques et de bases de données. L'appui des collectivités locales a permis de la créer à Montpellier, en symbole d'un effort de décentralisation et de confiance dans un nouvel espace de progrès scientifique et technique au Sud de la France.

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Un outil coopératif

Le GIP a commencé à fonctionner à la fin de 1984, en liaison avec le puissant Centre de calcul de Montpellier (CNUSC). Peu après, l'apparition de microordinateurs performants (Macintosh) a permis d'établir une chaîne de traitement statistique et cartographique de pointe, tout en aidant les équipes dispersées à s'équiper de leur côté; le rôle de notre chef-informaticien, Patrick Brossier (le webmaster de ce site) a été ici décisif.

Les premiers travaux ont porté sur les Zones d'emploi et l'emploi en France, la mise en scène des organisations spatiales de régions ou de pays à l'aide de modèles (plusieurs Atlas Reclus), l'observation des dynamiques territoriales (recherches sur des régions françaises et des pays étrangers, publication d'une Lettre d'Odile), le rassemblement de grandes bases de données et leur traitement pour l'Atlas de France et pour des parties du Monde, la coordination de la rédaction de la Géographie Universelle.

Le GIP s'est engagé dès 1986 dans une politique d'édition, et a passé des accords avec des éditeurs: nous estimions en effet que la connaissance scientifique doit être aussi largement diffusée que possible. Les séminaires, les réunions des comités de rédaction de l'Atlas de France et de la géographie Universelle permettaient de confronter les points de vue, les méthodes, les outils, et de pratiquer un véritable travail coopératif. La possibilité de publier des cartes de bonne qualité en couleurs a favorisé ces travaux, et leur notoriété.

Rapidement, le GIP a beaucoup travaillé avec des Ministères (Emploi, Industrie, Transports, Mer, Culture, etc.), la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR), des collectivités locales, des associations et des entreprises. En même temps, il assurait des missions de formation en liaison avec les Universités; nombre de doctorants ont bénéficié de son appui, et nombre de jeunes ont créé des entreprises d'études géographiques et de cartographie.

Le GIP a également passé des accords internationaux: contrats de recherche de l'Union européenne (commission de Bruxelles), accords pour des travaux et atlas sur le Brésil, la Russie, l'Inde, le Viêt-Nam, le Laos, l'Iran, etc. Le GIP a ainsi acquis une notoriété internationale, accrue par le succès des travaux sur les Villes européennes, les structures de l'espace européen (la «banane bleue» est née au GIP), les Zones franches, etc. De nombreux chercheurs étrangers ont effectué des visites et stages à Montpellier et dans d'autres équipes du réseau.

Le GIP a publié des instruments de travail et des ouvrages de méthodologie (voir Publications). Il a pris en charge la préparation de L'Espace géographique, et créé dès 1986 une nouvelle revue, illustrée en couleurs, Mappemonde.

Les dix volumes de la Géographie Universelle ont été publiés entre 1990 et 1996. Des publications sous diverses formes ont concouru à définir un ensemble multimédia de l'Atlas de France, dont la forme définitive (14 volumes) a commencé à apparaître en 1995. Des logiciels, cassettes vidéo et CD-ROM ont été produits. Au total, le GIP RECLUS a pu éditer environ 120 volumes en une douzaine d'années.

En décembre 1990, au moment où paraissaient les deux premiers volumes de la Géographie Universelle, et alors que le GIP était prolongé pour dix ans (jusqu'en 2000), le GIP RECLUS a organisé, à la demande du Ministre de la Recherche, un grand Colloque international de prospective sur «La géographie, situer, évaluer, modéliser», présidé par R. Brunet et O. Dollfus.

Pendant toute cette période, le GIP a directement soutenu des équipes, en a inspiré d'autres, a contribué à susciter émulations et concurrences, et à populariser l'image géographique jusque dans les manuels d'enseignement, la presse et les administrations. Il a obtenu la collaboration d'environ 300 géographes, ce qui n'en faisait pas précisément une chapelle.

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Fin d'une expérience, non d'un courant, ni d'un besoin

Des difficultés ont commencé à apparaître en 1994, à la faveur d'un nouveau changement de majorité politique: en dépit de ses réalisations, ou à cause d'elles, le GIP a été l'objet d'attaques directes et indirectes, issues apparemment des milieux conservateurs; le personnel affecté a été réduit, les crédits différés; le directeur du GIP a été obligé de démissionner en 1996. Le ministère chargé de la Recherche a décidé de mettre fin prématurément au GIP, condamné à disparaître le 31 décembre 1997. Les géographes y perdent beaucoup de moyens, même si certaines équipes sont en mesure de prendre une partie des relais (voir Liens).

Il est vrai que cela se situe dans un contexte de «retrait de l'État» et des moyens publics. Il n'est pas moins vrai, pourtant, que jamais le besoin de connaissance et d'analyse des territories et de leurs dynamiques n'a été aussi grand, au moment même où les disparités sociales et territoriales se creusent, au moment où les autorités locales ont davantage de responsabilités, au moment où le poids des grandes entreprises et de leur domination de l'information se fait le plus lourdement sentir.

C'est pourquoi il nous semble que reste impérieux le devoir de ceux qui partagent les principes fondamentaux du large courant dont le GIP RECLUS a été un élément et un moment: étudier avec rigueur les territoires de l'humanité, favoriser les approches innovantes de cette étude, améliorer les moyens de cette connaissance, en faire partager le savoir au plus large public. L'Association RECLUS compte y contribuer à la mesure de ces moyens, à commencer par l'échange sur Internet.- Roger Brunet

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RECLUS en quelques dates

1830. Naissance d'Elisée Reclus.

1875-1894, Publication de la Nouvelle Géographie Universelle.

1905. Mort d'Elisée Reclus.

1972. Création de l'Espace géographique et du groupe Dupont.

1981. Création de l'AFDG (Association française pour le développement de la géographie).

1982. Assises de la Recherche, rapport sur la Géographie, conception du projet RECLUS.

1983. Mise en route du projet, réunions de travail sur les programmes, tour de table.

1984. Création du Groupement d'intérêt public RECLUS, ouverture de la Maison de la géographie de Montpellier, première de la trentaine de lettres Informations RECLUS.

1985. Premières publications sur les Zones d'emploi en France (avec DATAR et INSEE) et les cinq premiers fascicules de la collection «Reclus Modes d'emploi».

1986. Colloque DATAR-RECLUS et publication des actes France: dynamique des territoires. Bilan sur Le Redéploiement industriel. Parution de Mappemonde, revue trimestrielle en couleurs. Premiers ouvrages en coédition (Atlas Reclus avec Fayard).

1987. Premiers albums de la série Atlas de France; La carte, mode d'emploi; La vérité sur l'emploi en France.

1988. Cartes et modèles à l'école, Montpellier Europole, mise au point du Choroscope.

1989. Réalisatiopn de la chaîne de production cartographique Postscript. Les Villes européennes et la «banane bleue». Atlas mondial des libertés. Lancement de la collection «Dynamiques du territoire» avec la Documentation française, avec l'Atlas des villes de France.

1990. Sortie des deux premiers volumes de la Géographie Universelle, début de la collection «Géographiques», parution de l'Atlas de la région Languedoc-Roussillon.Premier CD-ROM Atlas de France. Grand Colloque de prospective sur la Géographie (Paris, décembre).

1991 (janvier). Renouvellement du GIP pour dix ans, changement de directeur et de conseil d'administration, entrée de membres du secteur privé.

1992. Parution des Mots de la géographie.

1993. Ouverture de la série des sessions de formation Géopôle à Montpellier; début de la collection «Espaces modes d'emploi»; logiciel Cabral.

1995. Premier volume de la nouvelle collection de l'Atlas de France.

1996. Parution du dixième et dernier volume de la Géographie Universelle. Création du site Internet de la Maison de la Géographie www.mgm.fr.

1997. Fin imposée du GIP RECLUS; création de l'Association RECLUS.

1998-1999. «Liquidation» du GIP RECLUS. Poursuite de la publication de l'Atlas de France (10 volumes parus en janvier 1999), publication de l'Atlas d'Iran.

Directeurs successifs du GIP RECLUS:

Le Conseil d'administration a été successivement présidé par Fernand Verger (1984-1991) et Jean-Paul de Gaudemar; les commissaires du gouvernement ont été successivement Jean-Pierre Trouchaud et Anne-Yvonne Le Dain, délégués régionaux à la Recherche de la région Languedoc-Roussillon.

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